Région du Centre-Nord

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DANIEL COULIBALY, SECRÉTAIRE PERMANENT DE LA CONFÉRENCE NATIONALE DE LA DÉCENTRALISATION : « La gouvernance locale efficace passe nécessairement, par une bonne concertation »

Daniel Coulibaly, secrétaire permanent de la Conférence nationale de la décentralisation, dans l’interview qui suit, lève un coin de voile sur la structure dont il a la responsabilité.

 

Sidwaya(S) : Le conseil des ministres a adopté le 8 janvier 2014, un décret qui porte sur un Plan d’action intérimaire (PAI) 2014-2015 du Cadre stratégique de mise en œuvre de la décentralisation(CSMOD). Pourquoi un plan d’action intérimaire ?

Daniel Coulibaly(DC) : En rappel, le gouvernement a adopté en 2007, le Cadre stratégique de mise en œuvre de la décentralisation(CSMOD) qui se met en œuvre, à travers des plans d’action triennaux. De 2007 à 2011, nous avons respecté la programmation triennale. Toutefois, nous avons constaté qu’elle s’avérait de plus en plus difficile à maîtriser par les acteurs. De plus, ces plans répondaient de moins en moins aux exigences du processus. En clair, on n’arrivait pas à maîtriser rigoureusement les plans d’action triennaux. Non seulement, la programmation annuelle n’était pas respectée, mais l’approche glissante de trois ans était difficile à honorer. En 2012, nous avons fait le constat qu’il faut revoir la démarche de programmation… Lorsque nous sommes arrivés en 2013, il ne nous restait plus que deux ans pour la mise en œuvre du CSMOD. C’est pourquoi, nous avons fait un plan qui va s’étaler sur deux ans que nous avons appelé plan d’action intérimaire, parce que c’est une transition que nous ouvrons pour les perspectives d’après-2015.

(S) : Quelles sont ses grandes articulations ?

(DC) :Le plan d’action intérimaire est bâti sur les axes du CSMOD qui sont au nombre de 5. Le premier concerne la protection sociale et politique de la décentralisation. Le second a trait aux transferts des compétences et des ressources aux collectivités. Le troisième est relatif au renforcement des capacités des acteurs. Le quatrième porte sur l’appui au développement. Le cinquième axe enfin touche au pilotage, à la coordination et au suivi de la mise en œuvre du processus. Nous avons retenu sept priorités par axe qui peuvent avoir une incidence significative sur ces deux ans, étant entendu que nous sommes en train de préparer une nouvelle perspective de mise en œuvre de la décentralisation.

(S) : Sur quels leviers activer pour qu’en deux ans, l’ensemble des acteurs s’approprient le processus de la décentralisation comme le réaffirme le PAI ?

(DC) :Il faut activer sur tous les leviers, c’est-à-dire faire beaucoup de communications parce que nous avons noté que le processus est très peu compris. Aujourd’hui, tout le monde entend parler de décentralisation. Mais qu’est-ce qui se fait ? Ce n’est pas évident. Il faut aussi activer les leviers de la concertation entre les acteurs. Si la gouvernance locale doit être efficace, elle passe nécessairement, par une bonne concertation afin qu’on ait une coordination efficace. Nous sommes en train de créer cette dynamique de concertation avec les OSC, les projets et programmes, les structures déconcentrées des ministères, les partenaires techniques et financiers. L’autre levier qu’il faut activer, est la mobilisation des ressources, parce que toutes les actions programmées dans le PAI nécessitent des ressources financières qui s’élèvent à 89 milliards de francs CFA.

(S) : Lorsqu’on parcourt le PAI, est-ce qu’il n’est pas trop ambitieux ?

(DC) :Mis en rapport avec les attentes des populations, le PAI ne me paraît pas ambitieux. Mais si on le met en rapport avec les moyens dont nous disposons, il paraît effectivement très ambitieux. Les besoins en matière de décentralisation sont encore très énormes. Il y a encore de nombreux efforts à faire, en termes d’actions à réaliser sur le terrain. En ce qui concerne les finances, nous avons des faiblesses, parce que jusqu’à présent, les allocations budgétaires sont faibles. Ce qui fait qu’on compte sur la contribution des partenaires. Cette année, nous avons essayé de réduire au minimum la part des financements à rechercher. Nous avons bâti le PAI sur des financements déjà acquis au niveau des projets et programmes et au niveau des ministères.

(S) : Ce qui veut dire que vous êtes sûr d’avoir les 89 milliards ?

(DC) :Non. Nous avons encore 13% du financement à rechercher.

(S) : Qu’est-ce qui est prévu après 2015 ?

(DC) : La perspective est même déjà prise en charge dans le PAI parce que nous avons prévu l’élaboration de la nouvelle stratégie. Qu’est-ce qui va se faire après 2015 ? Nous allons engager cette année, les concertations avec l’ensemble des acteurs pour identifier les nouveaux défis et enjeux de la décentralisation pour arriver à définir les nouvelles orientations de la mise en œuvre de la décentralisation. Une fois que cela est fait, nous allons écrire une nouvelle stratégie de mise en œuvre de la décentralisation sur 10 ans. Après 2015, nous allons continuer à agir, pas forcément de la même manière sur les mêmes axes, mais sur les besoins qui vont être exprimés par les différents acteurs.

(S) : Dans le PAI, il est question d’adaptation du cadre spatial. Que doit-on comprendre par là ?

(DC) : C’est une disposition inscrite dans le cadre stratégique de la décentralisation qui prévoit que le gouvernement se donne les moyens de revoir la configuration géographique de ces collectivités. Aujourd’hui, avec 13 régions de collectivités territoriales, 371 communes, il n’est pas exclu que dans l’évolution du processus de décentralisation, nous ayons à créer de nouvelles entités territoriales, si toutefois nous arrivons à faire émerger de nouvelles localités qui peuvent prétendre au statut de commune. Cela va demander que l’on revoie le cadre spatial de la décentralisation, faire un nouveau découpage et créer de nouvelles collectivités.

(S) : Quels sont le plan de financement et les partenaires techniques et financiers qui vous accompagnent ?

(DC) : Les partenaires techniques et financiers appuient le gouvernement, à travers le budget de l’Etat. Ils y contribuent pour une part importante. Nous avons l’Union européenne, la Banque mondiale et bien d’autres qui accompagnent l’Etat, à travers l’appui budgétaire. Il y a aussi le financement à travers les projets et programmes. Globalement, ce qui est mobilisé par les partenaires techniques et financiers n’est pas en-dessous de 100 milliards. Il faut, bien entendu ajouter à cela le budget de l’Etat.

(S) : La fonction publique territoriale suffira-t-elle à dissiper les inquiétudes ?

(DC) : Non. La fonction publique territoriale, c’est la mise en place d’un bassin d’emplois publics qui doit offrir des opportunités d’embauches aux chercheurs d’emplois correspondant au profil des postes qui sont prévus au niveau des communes. Cette fonction publique pour qu’elle soit en place, il faut que nous arrivions à mettre en place des dispositifs juridiques qui motivent les diplômés à aller chercher du travail dans les communes.

(S) : Il y a déjà une direction générale de la fonction publique territoriale dans le nouvel organigramme du Ministère de l’aménagement du territoire et de la décentralisation…

(DC) : Il y a effectivement une direction générale qui travaille à faire en sorte qu’un jeune qui sorte de l’université puisse aller travailler dans la fonction publique territoriale, c’est-à-dire dans une commune rurale. Pour cela, il faut qu’il y ait un cadre juridique qui sécurise l’emploi, mais qui soit attrayant, en termes de motivation. Cette fonction publique territoriale peut résoudre les problèmes de capacités techniques au niveau des administrations locales, mais cela ne suffira pas à lever les goulots d’étranglement dans le processus, parce qu’il y a d’autres aspects liés aux questions de procédures que les collectivités ne maîtrisent pas totalement.

(S) : Il était prévu le recrutement de 1000 personnes au profit des collectivités. Qu’en est-il ?

(DC) : Les 1000 agents sont un engagement du gouvernement en 2013. Le dossier a été totalement bouclé et transmis au gouvernement qui l’a adopté en conseil des ministres. Nous attendons que le gouvernement décide des opérations à réaliser dans le cadre de ce recrutement. Je peux ajouter qu’il y a chaque année, 100 agents qui sont recrutés, formés et mis à la disposition des collectivités.

(S) : Un autre décret a été adopté le 15 janvier 2014 et porte création, attributions, organisation et fonctionnement de la CONAD. Pourquoi un nouveau décret, seulement trois années après celui adopté en décembre 2011 ?

(DC) : La CONAD est l’instance qui regroupe les acteurs impliqués dans la mise en œuvre de la décentralisation. Il se fait qu’au niveau de l’Etat, il y a un changement institutionnel entre 2011 et 2014. Il y a eu des remaniements ministériels. Il fallait reprendre la composition de la CONAD pour la conformer aux nouveaux découpages. Nous avons également constaté que la représentativité des communes est très faible. Jusqu’à l’année dernière, les communes avaient seulement 15 personnes représentées à la CONAD pour plus de 300 communes. Le chiffre ne nous paraissait pas raisonnable. Nous avons donc relevé ce quota à 65 représentants.

(S) : D’autres innovations ?

(DC) : Nous avons prévu des délais par rapport à la convocation de la Conférence pour mettre l’administration dans un minimum de rigueur de travail. Nous avons reprécisé les missions de la conférence qui étaient sommairement, définies dans l’ancien décret.

(S) : En quoi la tenue des CONAD apporte-t-elle un plus à la décentralisation ?

(DC) : Oui, on peut se poser cette question. Pour ceux qui sont au niveau stratégique, il y a un besoin énorme d’avoir des concertations entre les acteurs. Besoin de se retrouver, mais pour relever aussi les difficultés dans la marche de la décentralisation et donner des orientations par rapport aux problèmes qui auront été enregistrés. Tous les deux ans, cette instance se réunit, examine l’état de l’avancement du processus, fixe les orientations pour régler les questions brûlantes. Du reste, la dernière CONAD a réuni les différents acteurs, afin de les amener à prendre des décisions allant dans le sens de délier progressivement, les contraintes que les communes rencontrent.

(S) : Que peut-on retenir des recommandations principales sur la quatrième CONAD dont le thème était : « renforcer la maîtrise d’ouvrage locale pour plus d’efficacité dans l’exercice des compétences territoriales » ?

(DC) : Les recommandations majeures ont porté sur le renforcement des capacités, à travers la mise en place des agences régionales de développement qui sont conçues comme un dispositif d’appui technique aux communes et aux régions pour résoudre la difficulté pratique des ressources humaines compétentes. Ces agences doivent être mises en place d’ici à la fin de l’année. La deuxième recommandation est de faire en sorte qu’il y ait davantage de concertations entre les acteurs de la décentralisation et ceux de l’Etat. Le gouverneur, le haut-commissaire, le préfet doivent aider les élus à s’approprier leur responsabilité et à mieux comprendre aussi les missions de l’Etat qui sont exercées par ces représentants de l’Etat. Cela doit se faire dans le cadre de ce qu’on appelle la tutelle. On va procéder à un réexamen du guide pratique de la tutelle pour prendre en compte cette préoccupation. La conférence a également recommandé que l’on aille vers la satisfaction des besoins d’information au niveau des cibles non lettrées, parce que nous avons beaucoup d’élus qui ne comprennent pas le français et qui doivent cependant assumer pleinement leur responsabilité. Comment faire en sorte que les élus aient accès à l’information ? La réponse, c’est traduire les documents dans les langues nationales, et pourquoi pas, produire les actes de gestion au niveau local en langue nationale.

(S) : Il est prévu la mise en place d’un système de suivi-évaluation de la décentralisation. Où en-êtes-vous ? Et comment cela va-t-il se passer ?

(DC) : Le suivi-évaluation est compris aujourd’hui, comme une nécessité dans l’action. Quand on agit, il faut se rassurer qu’on agit dans le bon sens. Cela nécessite la mise en place d’un dispositif qui permet de veiller sur la mise en œuvre des actions programmées. On réalise beaucoup d’actions sur le terrain. Mais si on veut rendre compte de la manière la plus objective possible, il faut qu’il y ait un moyen pour regarder la mise en œuvre de ces actions à travers le suivi-évaluation. Or, nous n’avons pas pu mettre en place le dispositif, depuis 2007 jusqu’aujourd’hui. Il y a eu une tentative qui, malheureusement, n’a pas pu aboutir. En 2013, avec l’appui de nos autorités, un coordonnateur du centre national du suivi-évaluation a été nommé. Il est chargé de travailler à mettre en place ce dispositif technique de suivi-évaluation. Nous avons un document qui fera l’objet d’une concertation avec les spécialistes. Cet outil technique comporte des indicateurs, des outils de collecte et de traitement de l’information, bref tout ce qui permet au Secrétariat permanent d’avoir l’information juste en temps réel. Dès lorsque nous aurons ce dispositif technique validé, nous allons le mettre au plan régional dans les 13 régions. Le rôle de ces cellules régionales consistera à collecter les informations relatives aux indicateurs de la mise en œuvre de la décentralisation. Ce sont ces cellules qui vont travailler avec les relais locaux qui sont dans les communes pour collecter, traiter et faire les rapports jusqu’au niveau régional. Les régions se chargeront de transmettre les résultats au Centre national qui, à son tour, va les présenter à la Conférence nationale de la décentralisation.

www.sidwaya.bf



31/01/2014
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