Libre circulation des personnes et des marchandises : Un état des lieux qui en dit long
Dans son discours prononcé à l’occasion de la cérémonie d’ouverture du premier forum régional citoyen, le président de la Commission de la CEDEAO, Kadré Désiré Ouédraogo, a dépeint les pratiques hostiles à la libre circulation des personnes et des marchandises. C’était le 3 juillet 2014, à Ouagadougou.
Comme clairement affichée à plusieurs occasions, la Commission de la CEDEAO veut rendre effective, la ‘’vision 2020’’ des chefs d’Etats de l’espace communautaire. Une vision qui veut que la CEDEAO passe de la CEDEAO des Etats à la CEDEAO des peuples, à l’horizon 2020. Pour ce faire, il y a lieu d’instaurer une véritable et réelle libre circulation des personnes et des marchandises. En effet, et comme le précise le président Kadré Désiré Ouédraogo, « la libre circulation des personnes et des marchandises constitue le ciment et l’étape première de tout processus d’intégration régionale ». Une libre circulation devant se traduire notamment par l’effectivité du droit d’établissement, par la libéralisation des échanges commerciaux.
Le commerce intracommunautaire mobilise 15 milliards de dollars par an
Et des discours, il ressort le plus souvent que le schéma de libéralisation des échanges intra-communautaires dans l’espace CEDEAO constitue un des acquis majeurs du processus d’intégration régionale sur le front économique. A en croire le président de la Commission de la CEDEAO, en dépit de la sous-estimation - l’intense micro-commerce transfrontalier restant hors des statistiques officielles -, le commerce intracommunautaire est estimé en moyenne à 15 milliards de dollars par an, soit 11 à 12% des échanges globaux de la Communauté, selon les années. En effet, précise Kadré Désiré Ouédraogo, « La circulation des produits du cru, notamment le bétail (estimé à plus de deux millions de têtes, tous animaux sur pieds confondus), des céréales (plus de 3 millions de tonnes par an, hors ré-exportation et transit) et bien d’autres produits alimentaires, constitue la matérialisation du fonctionnement de cette zone de libre-échange ».
Et d’ajouter, « le mécanisme du Schéma de Libéralisation des Echanges assure la libre circulation des marchandises industrielles d’origine CEDEAO sans le paiement des droits de douane et des taxes d’effet équivalent à l’importation dans l’espace communautaire ».
Les citoyens de la communauté peuvent voyager sans visa
En ce qui concerne spécifiquement la question de la libre circulation des personnes, il y a des acquis « visibles et palpables ». C’est du moins, ce qu’a relevé le président de la Commission de la CEDEAO. En effet, explique-t-il, « l’application des dispositions du Protocole sur la Libre Circulation, le Droit de Résidence et d’Établissement a connu des avancées significatives dans la mesure où les citoyens de la CEDEAO peuvent maintenant voyager sans visas dans la région ». Citant au passage « l’utilisation croissante des titres de voyage de la CEDEAO », il a aussi précisé que « Les fondements juridiques du droit de résidence et d’établissement ont été institués, et dans de nombreux cas, ce droit a été appliqué ».
De multiples entraves existent encore
Mais des entraves, et non des moindres se dressent encore sur le terrain. De multiples et multiformes entraves dont les plus récurrentes se rapportent entre autres, à la persistance de multiples fragmentations des politiques commerciales et monétaires, à la sous-information chronique des acteurs sur les dispositions communautaires relatifs au commerce régional, à la propension de certains Etats membres à prendre des mesures d’interdiction d’exportation des produits vivriers, céréaliers lors des crises alimentaires, à la multiplication anarchique des points de contrôle le long des corridors et au non-respect des textes sur la libre circulation des personnes. L’insécurité aussi sur les axes routiers ne constitue pas moins une entrave à la libre circulation des personnes et des marchandises.
D’autres difficultés - et non des moindres - tenant à la complexité des procédures d’obtention des agréments auprès des ministères chargés de l’industrie et du commerce, et à l’importance croissante des produits de contrefaçon, existent.
Des pots de vin aux agents en charge du contrôle
Autant de pratiques dont la persistance non seulement nuit considérablement au développement de la région mais aussi met en danger la sécurité des personnes et des marchandises. Déjà, les données qui existent inquiètent. En effet, selon le président de la Commission de la CEDEAO « 91% des immigrants vers le Nigéria, le Bénin, le Togo, le Ghana et la Côte d’Ivoire se plaignent du coût élevé d’obtention des documents de voyage requis ». Et d’ajouter, « 77% de ces immigrants payent des pots de vin aux agents en charge du contrôle à chaque passage aux frontières. Il en est de même des chauffeurs de véhicules de transport de personnes obligés de verser des sommes indues aux agents de sécurité pour accélérer les formalités requises aux frontières et sur les corridors ». Il s’agit de rackets et de prélèvements illicites opérés ici et là que même ceux qui détiennent des titres légaux de voyage subissent.
« Ainsi donc, relève Kadré Désiré Ouédraogo, de nombreuses entraves existent aujourd’hui dans tous les Etats membres sur les axes routiers et aux frontières terrestres. Les citoyens de la Communauté sont quotidiennement confrontés au racket, à l’intimidation et au harcèlement des agents de la police, de la gendarmerie, des douanes et d’immigration en poste aux différentes frontières ».
La libre circulation, une question complexe
Et malheureusement, les Etats membres de la CEDEAO ne font pas preuve de bonne foi dans la prise et la diffusion – au profit aussi bien des particuliers que des administrations - des mesures internes conformément au Protocole sur la libre circulation au sein de l’espace communautaire. Conséquence, les citoyens n’ont pas même pas connaissance du minimum de droits que leur reconnaissent les textes de la CEDEAO dans un contexte où les agents postés au niveau des corridors font des rackets, leur sport favori. On peut même convenir que ces derniers ont fait de telles pratiques, leurs droits.
Dans ces conditions, l’instauration effective et véritablement réelle de la libre circulation des personnes et des marchandises ne peut être pour bientôt. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’état des lieux révèle la complexité de la question de la libre circulation au sein de l’espace communautaire CEDEAO. Une complexité tenant entre autres, au comportement des Etats jaloux de leur souveraineté, à la reconversion des agents accros aux avantages indus au niveau des corridors, au changement de mentalité des citoyens en général qui ont à comprendre qu’ils ont le droit et même le devoir de refuser le versement des pots de vin. La Commission de la CEDEAO qui donne de croire qu’elle mesure la taille de cette complexité, doit s’armer de courage et de l’autorité de la CEDEAO, une Organisation supra-étatique dotée de la personnalité juridique internationale.
Lefaso.net
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