En s’adressant paisiblement à ses jurés, Simone Gbagbo avait dit d’une phrase de conclusion au terme de ce procès : « Le monde entier vous regarde rendre la justice. » Une manière pour elle de souligner l’importance de la tâche des six jurés, mais aussi de jouer l’apaisement dans des plaidoiries durant lesquelles il fut beaucoup question de réconciliation nationale.
Mais au moment de l’énoncé du verdict, son visage normalement si souriant, s’est quelque peu crispé et le regard est resté fixe. Il faut dire que les jurés ont eu la main lourde : 20 ans, c’est d’autant plus rude que l’avocat général, lors des réquisitoires de la semaine passée, n’avait demandé que 10 ans à l’encontre de Simone Gbagbo. C’est donc le double de la peine requise qui est infligé à l’ancienne Première dame de Côte d’Ivoire : 20 ans de prison et 10 ans de privation de ses droits civiques. Tout comme aux deux militaires, le vice-amiral Vagba Faussignaux et le chef de la Garde républicaine, le général Brunot Dogbo Blé.
Le choc est rude, on peut le dire, pour Simone Gbagbo, après une délibération interminable qui aura duré de 15h à minuit, lundi soir. Signalons que Michel Gbagbo, le fils de Laurent Gbagbo, est lui condamné à cinq ans de prison, tout comme Aboudramane Sangaré, le compagnon de route politique du couple Gbagbo. Pascal Affi N’Guessan et Danièle Boni-Claverie, deux cadres de l’opposition actuelle ivoirienne, sont condamnés à des peines plus légères : 18 et 24 mois avec sursis.
« Globalement, c’est un verdict sévère, la première dame prend 20 ans de prison, Sangaré Aboudramane 5 ans, a réagi Pascal N'Guessan. Les principaux dirigeants du FPI prennent des peines qui ne me paraissent pas du tout en rapport avec le contexte de réconciliation que tous les acteurs politiques veulent promouvoir. C’est un sentiment, je dirais, de déception, d’amertume que nous éprouvons au sortir de ce procès. »
Les co-accusés abassourdis
Quelque peu abasourdis par la lourdeur de certaines condamnations, c'est en entonnant l'hymne national que les co-accusés ont salué la sortie du président de la cour d'assises et de ses assesseurs.
Pour Me Mathurin Dirabou, la condamnation à 20 ans d'emprisonnement à l'encontre de Simone Gbagbo dénote une justice ivoirienne qui n'est pas impartiale : « Dans la vie d’une personne, prendre 20 ans d’emprisonnement, ce n’est pas 20 jours. Et puis 20 ans, si ça repose sur des faits, sur des preuves, nous pouvons l’accepter. Ça a été fait à la tête du client. C’est une loterie. On a distribué des peines. Et si nos sommes abattus, ce n’est pas parce que ce sont des condamnations de 20 ans, c’est parce que le droit n’a pas été dit. »
À l'inverse, Me Soungalo Coulbaly, représentant l'Etat de Côte d'Ivoire dans ce procès, se dit satisfait du verdict : « Je pense que c’est justifié, parce que Madame Gbagbo a été l’auteure intellectuelle de beaucoup d’exactions qui ont été commises en Côte d’Ivoire. C’est un verdict qui nous satisfait, parce qu’aujourd’hui, nous pensons que les victimes seront satisfaites de voir que l’on a réglé un problème de l’impunité en Côte d’Ivoire. »
Dès la sortie du prétoire, les avocats de Simone Gbagbo et des co-accusés ont annoncé qu'ils se pourvoiraient en cassation. « Nous espérons que la Cour de cassation sera plus compréhensible, explique Pascal Affi N'Guessan. Il s’agit d’aller en cassation de manière à sauver, je dirais, le processus de paix et de réconciliation dans lequel nous sommes tous engagés et à faire en sorte que la Côte d’Ivoire tourne la page de ce douloureux évènement de façon définitive. »
RFI